top of page
Rechercher
  • Mag. Tramoy

Maison Close, l'épopée baroque


Mormoiron (84), le Rock à Gogo, 2 février 2019

A l'heure où je m'apprête à écrire ces quelques lignes, mon chat a laissé son odeur d'essence et de pisse partout dans le salon. Oui, j'écris dans mon salon. La porte close pour conserver la chaleur, et pour éviter que l'odeur n'envahisse le reste de l'espace. Croyez-moi, c'est pas facile d'écrire dans un espace qui pue. Il fait un peu froid dehors, il a gelé cette nuit. Je vais attendre un peu avant d'aérer. Du coup, je vais utiliser des subterfuges : encens, odeurs suaves, mi-subtiles mi-sulfureuses. Atmosphère finalement idéale pour vous parler de Maison Close.


Maison Close ? me direz-vous. J'arrête tout de suite les imaginations débridées, on va parler musique, concert, chanson. Ne soyez pas déçus, quand on s'appelle Maison Close, ce n'est jamais anodin de toute façon. Maison Close est un groupe de 4 montpelliérains, sans doute un peu coquins, créé en 2014. La formule actuelle (on dit le line up dans le jargon musical, mais moi ça me fait chier de parler comme ça, surtout pour vous parler d'un groupe tel que celui-ci) date de 2019. Un nouveau batteur et un nouveau bassiste (Fa et Tom) ont rejoint le duo original fondateur, Monsieur Claude (chant/guitare) et Harry Mata (guitare). Prolégomènes à toute métaphysique (au sens antique du terme) future.

Comme d'habitude, pour revenir à quelque chose de plus terre à terre, j'ai écouté et visionné les vidéos du net, peu nombreuses. Comme d'habitude, je flaire une identité singulière qui m'incite à creuser plus profond. Comme d'habitude, cette esthétique très pro, cette recherche indéniable de la perfection (on sait tous que ça n'existe pas, mais ça n'empêche pas d'y tendre), ce bon boulot en somme, excite ma curiosité. Je suis sûre que ce groupe a une âme au bord des tripes quand il est sur scène.

Postulat rétroactif de base

Bon, bon, vous savez (et si vous ne savez pas, je vous l'affirme, persiste et signe) je n'écris que sur ce qui me touche, me plaît, me fait vibrer. Je n'écris que sur ce que j'aime. Je ne prend aucun plaisir à démonter les gens que je ne trouve pas à la hauteur. On peut bien sûr se rendre compte que quelqu'un chante faux, ou que tel autre musicien n'est pas dans le tempo... Je m'en fous, je n'ai pas envie d'en parler, casser dans l’œuf ce qui pourrait s'améliorer, ne pas laisser sa chance à quiconque ose. Je suis l'ombre, ils sont la lumière et je respecte tous ceux qui ont ce cran parce que je ne l'ai pas. Vous en conviendrez donc, si je prends la peine de prendre la plume, c'est que, même si je n'ai pas les connaissances techniques musicales pour juger de l'absolue perfection artistique, mon oreille attentive, mon œil acéré (mouahahahah) et ma truffe flairante ont détecté un truc qui vaut la peine qu'on s'y arrête. En un mot comme en cent, Maison Close a attiré mon attention et s'est confirmé en addiction auditive. Go !

Maison Close se définit comme vecteur de « chanson rock débridée ». Ben oui, je plussoie, évidemment. Mais. Pour en définir le style, j'ai longtemps hésité. Rock progressif et alternatif, punk contemplatif, rock sensuel ou batcaviste, art-rock brut démantibulé et underground... Finalement ce qui sied, à mon sens, à l'épopée Maison Close, c'est un rock alchimique baroque qui, pour reprendre Jean-Jacques Rousseau, serait une harmonie confuse chargée de modulations et de dissonances dans un monde où tous les contraires seraient harmonieusement possibles. Ouch ! Ça c'est du lourd !

Posés sur une basse continue et une rythmique équilibrée, tous ces possibles se muent en liberté, laissant les perceptions émotives et mouvantes des spectateurs se frayer un chemin de traverse au gré d'un chant théâtral expressif et démonstratif porté par des riffs de guitare erratiques, entre discrétion et insolence.


La musique sublime le texte. Des textes qui content les exploits historiques, sociétaux et mythiques de notre peuple de façon lucide et poétique : consommation fébrile, recherche de notre Moi profond, appauvrissement du verbe et de la pensée, l'amour et le désamour, souffrance dans nos univers pesants, contraignants, hypocrites, répétitifs, vides de sens, nos vies de robots formatés et dociles.... Le tableau holistique que dresse Maison Close de notre société est noir, acerbe, voguant entre réalisme exacerbé et surréalisme onirique. Ces textes obscurs clairvoyants font mouche. Une vie de chair et de sang. Toutefois, ces mots grenades rappellent au public qu'il est vivant. La musique transcende le mot, lui donne toute sa puissance. Elle balance d'un état d'âme à un autre, irrévérencieuse, subaquatique, brutale, caressante, frivole, sulfureuse, distordue, dissonante, intense, profonde ou désinvolte, capricieuse, impertinente ou timide, exubérante ou discrète, rythmique, mélodique, envoûtante, intergalactique (vous avez vu, j'aime bien les adjectifs). Chaque instrument répond à l'autre en toute conscience. Transportés, nous sommes, dans un univers suprasensible qui liquéfie les tripes.


Les morceaux de Maison Close ont ça de galvanisant. Le monde entier y est observé, dans un mouvement entêtant et voluptueux. Comme une façon de se noyer dans nos adversités. Les chansons prennent alors leur envol, jusqu'à fouler les manifs marseillaises, bientôt. L'obscurité de la Maison Close requinque. Parce que finalement, mettre des mots sur les maux permet de transformer nos prisons en espoirs. De sentir qu'on n'est jamais seul à penser ce qui est écrit là. Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort, disait l'autre. Le public présent au Rock à Gogo (Mormoiron, 84) ce soir-là en est convaincu. Les textes percutants sont repris en chœur par des gens qui ne les avaient jamais entendus une heure avant, les corps ondulent se mariant parfaitement aux contrastes musicaux. Les sourires se dessinent. Maison Close courtise et séduit. Il en exhale un parfum capiteux qui donne de la dérision au monde dans lequel nous vivons. Une bonne thérapie de groupe en somme. Un appel lancinant à vaincre ce monde. Maison Close fait de nous des cerisiers en fleur.

(Crédits photo : Miläa G. Moraty/Gérard Lepneveu)

Mais encore....

L'actualité de Maison Close, c'est un premier album, « Erreur Système » qui sortira en avril 2019, après deux EP auto produits : « Entrez Libres » (2016) et « Mots de Passes » (2017).

Ce premier album a donné lieu à un premier clip, « En file indigne », réalisé par Yann Landry (qui avait déjà réalisé le clip du titre « Cent mots » (EP Mots de passes)). On dirait que Yann Landry (la tête de l'artiste) aime les univers très graphiques. Pour le premier clip réalisé pour Maison Close, il avait utilisé les dessins d'Alec Lloyd Probert. Ici, il utilise des vrais gens pour personnifier cette sorte d'agoraphobie issue de l'oppression de la société de consommation et pousse le vice jusqu'à leur transmettre son tournis. Bien fait pour eux ! « On tourne dans la foule mais on observe que les gens sont les mêmes, les mêmes consommateurs... Vertige, perte des repères. Hormis en concert, j'évite toujours la foule hébétée, je ne vais jamais dans les grandes surfaces, ça me fout les jetons et j'y ai l'impression que le cerveau s'arrête. Le titre parle de cela, de cette consommation massive et stupide qui nous fait tourner en rond. » Quant on vous dit que Maison Close a des trucs à dire !


Et pour que le rock reste vivant et donner un coup de main, c'est par ici --> ulule.com/maisonclose-erreursysteme/

MaisonClose sera à l'affiche du film de José Alcala, "Qui m'aime me suive", avec Daniel Auteuil, Catherine Frot, Bernard Le Coq, pour y jouer son propre rôle. "Gilbert et Simone vivent une retraite agitée dans un village du Sud de la France. Le départ d'Étienne, son voisin et amant, le manque d'argent, mais surtout l'aigreur permanente de son mari, poussent Simone à fuir le foyer. Gilbert prend alors conscience qu'il est prêt à tout pour retrouver sa femme, son amour." (allociné) Sortie le 20 mars 2019.


82 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page