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  • Mag. Tramoy

Gonza Live : Wishbone Ash, Tonight I saw the magic in your eyes*


Wishbone Ash, 50è anniversaire tour, 28 juin 2019, Carpentras, Auzon le Blues



Il y a quelques temps, j'ai écrit une nouvelle qui s'appelle « La prochaine fois ». C'est une nouvelle qui parle de tout ce qu'on a eu peur de faire, des choses qu'on repousse à plus tard, de celles qu'on ne se sent pas capable d'assumer, de ces habitudes qui retiennent notre spontanéité, de ces regrets... Depuis cette histoire qui est, je l'avoue, inspirée de faits réels, eh bien, j'ai décidé justement, qu'il n'y aurait plus de regrets, tout au moins et dans la mesure du possible, le moins possible. Cette décision d'aller voir Wishbone Ash, alors que je n'ai plus un rond, il faut bien le dire, fait partie de ces choses pour lesquelles je me dis, il n'y aura peut-être plus de prochaine fois !


Allez voir Wishbone Ash en concert était une évidence. Un groupe mythique, certes, mais moi, je me fiche de ce genre de considération. C'est juste un groupe que j'ai kiffé grave, même si ça fait bien longtemps que je ne le suis plus. Un de mes groupes cultes, avec ce premier album fabuleux, et les suivants Pilgrimage ou le Live Dates par exemple, que je n'ai plus dans ma collection pour des raisons indépendantes de ma volonté. Ce premier album, comme par exemple Ma Kelly Greasy Spoon des Status Quo (je pense à celui-là parce que justement je viens de rater un concert de Status Quo, hier à Nîmes, beaucoup trop cher pour moi...), c'est un album que je ne céderai pour rien au monde. Plutôt vendre mon corps pour bouffer que me séparer de ce genre de bijou ! Je ne suis pas fétichiste, non, je suis juste extrêmement touchée par certains sons, certaines musiques, certains morceaux. Je suis capable de pleurer devant un concert, je me transporte dans une dimension parallèle où tout ce qui gravite autour de moi n'existe plus.


Prolégomène


Alors voilà, j'avais vu les affiches de l'Auzon Blues un peu partout. Mais je n'avais guère percuté. Liz Mc Comb était plus visible et elle évinçait ceux qui, au-delà du Star Système, sont pourtant les plus grands. Liz McComb, je l'avais vu, à ses débuts dans les années 90, aux Eurockéennes de Belfort. Pour moi, c'est suffisant. Quelqu'un m'a demandé pourquoi je n'étais pas devant le concert de Liz McComb, et j'ai répondu que simplement, j'étais là seulement pour Wishbone Ash. C'est une diva, pas de soucis, mais moi, je suis pas fan des divas. Je m'en fiche à vrai dire. Pour moi, elles sont des produits, même si elles ont beaucoup de talent. Les divas du blues marcheront toujours, elles n'ont pas besoin d'un public comme moi, elles ont déjà tout le public de la télévision. C'est un peu comme rencontrer Kimberose au Festival de Robion. J'ai adoré cette fille, pas pour son concert qui au demeurant était fort sympathique, mais juste pour sa personnalité, sa gentillesse, son humilité. Moi, ce que je kiffe, c'est le rock'n'roll. Je ne dis pas que le rock'n'roll n'est pas devenu un produit, parce que de toute façon, tout se marchande et il faut bien manger, mais le rock'n'roll, c'est un son, un esprit, une attitude. Je ne saurais même pas comment définir ça. Tu l'as ou tu l'as pas. C'est d'ailleurs au concert de mes potes de Powerage (le meilleur tribute AC/DC français), dans un village proche de chez moi, à Malemort, dans une fête organisée par les bikers de HD Le Plaisir au profit des enfants malades, que j'ai vu ces affiches pour la première fois.

Une bière à la main, mes yeux ont vu cette affiche épinglée sur un arbre. J'avoue que je ne savais même pas que Wishbone Ash existait toujours ! Honte à moi ! Alors, je me suis dit : mmm Wishbone Ash... et Liz mcComb ? C'est quoi ce bordel ? Lequel est la star de la soirée ? Les deux ? OK mais alors, pourquoi Wishbone Ash est derrière, en plus petit ? Du coup, je me suis dit : mmm... c'est un retour de flamme qui va être raté ? Un retour à la scène pour faire du pognon ? Putain, quand même... Wishbone Ash ! Quelques mois ont passé, sans que j'achète mon billet. Et puis, je ne sais pas ce qui s'est passé. A peine une semaine avant le concert, l'événement tournait sur facebook, et là, tilt ! Prise de conscience : Putain !!! Wishbone Ash !!!! Il me faut un billet, je ne peux pas rater ça, à Carpentras et pour 30 balles ! Le soir-même, juste après mon travail, j'ai filé acheter le sésame.


Wishbone Ash ! Un groupe que j'ai découvert quand j'avais une vingtaine d'années. Ma grande période Seventies. Je connaissais le 666 d'Aphrodite Child et le Atom Heart Mother de Pink Floyd depuis le berceau, mais je me dis aujourd'hui que ce n'était, dans la discothèque de mes parents, que des erreurs de jeunesse. Ça fait tout drôle de se dire qu'on a dans les mains un billet pour aller voir un groupe mythique qui a démarré en 69, dont on a les vieux albums et que ce groupe est toujours là pour fêter ses 50 ans d'existence dans le bled juste à côté de chez soi (autant dire pour le reste du monde, un bled inconnu de 30 000 habitants, logé en Provence). En fait, je crois que je n'ai pas réalisé jusqu'à ce que le concert commence.


Ma gonza foutue soirée !


(vidéo Jean-Michel Jacquemier, Jailbait, Pilgrimage)

J'avais rendez-vous avec quelques potes pour manger un bout avant le concert, mais j'étais à la bourre. Et quand je suis arrivée à proximité de la salle, ben... je me suis arrêtée. Pas de bouffe de pré-concert avec les amis donc, de toute façon, je n'aurais pas pu manger. Et puis, j'aime bien être en avance pour ce genre d'évènement. J'aime m'imprégner de l'ambiance. Regarder les gens qui sont là. Boire une bière tranquille et observer, seule. En ce vendredi 28 juin, tout le monde dégouline. C'est la plus chaude journée de l'été qui débute . La plus chaude journée de la canicule. Carpentras explose le record de chaleur. 45°C annoncés ! Mon père, dans un bled à côté, a rentré son thermomètre qui annonçait déjà 51,5°C à 14h ! Heureusement, ma journée de boulot en extérieur à la forteresse de Mornas a été annulée. Et la salle de l'Auzon est climatisée ! Ça fait du bien ! Aller fumer une clop dehors par ce temps est complètement débile, mais on ne se défait pas de ses mauvaises habitudes en un clin d'oeil. Je croise quelques connaissances, et mes potes arrivent. Dégoulinants eux aussi ! Ah ah ! C'est l'heure ! J'entre dans la salle, et je suis un peu perturbée (même beaucoup) par toutes ces chaises installées. Il faut dire que je ne conçois pas un concert de rock autrement que debout. Je préviens mes potes : si je dois passer ce concert assise, je vais devenir insupportable !

C'est la première fois que je participe à Auzon le Blues, un festival de passionnés, de copains. C'est la première fois que je viens pour un concert à l'espace Auzon, une salle avec un nom qui n'augure pas le meilleur son, mais qui m'a fait revenir sur mes préjugés et a donné le meilleur d'elle-même. En tout cas sur le concert de Wishbone Ash, le son est excellent, derrière, devant, sur les côtés !

Je m'avance, plantée sur des hauts talons spécial concert, pour voir par dessus les plus grands... qui, finalement, étaient tous plus petits que moi... timidement (j'ai quand même mis 4 morceaux avant d'arriver devant la scène, impressionnée par tous ces gens assis), discrètement, subtilement, sans bruit (enfin huhu autant que je suis capable de le faire en concert), mais totalement fébrile !


Maintenant, je sais que tes années n'ont jamais été perdues...*

(vidéo de Jean-Miche Jacquemier, Blowin' Free, Argus)


Revenons à Wishbone Ash. Le groupe est mené par l'originel Andy Powell, entouré à la batterie par Joe Cabtree, à la basse par Bob Skeat et à la guitare par Mark Abrahams. Alors évidemment, pour les 50 ans du groupe, il y a comme de la cure de jouvence. 50 ans, c'est l'âge de la tranquillité, de la sagesse (?), de la mesure et de l'expérience. Mais 50 ans, c'est aussi peut-être l'âge où on se souvient (si on l'avait oublié) que l'enfant qui sommeille en nous est un attrapeur de rêves, cette part de nous-même qui rejette ce qui nous mène vers la fin.

Avec Wishbone Ash, voilà comblés les désirs enfouis. Je ne connais pas tous les morceaux, mais je tends l'oreille et je suis éblouie. Comme dirait un ami, c'est beau musicalement. Les arrangements sont vivifiants. Les guitares se côtoient, se répondent, se tournent autour, se tournent le dos, s'harmonisent. Des pièces d'harmonie supplémentaires rafraîchissent les vieux standards. Désinvolture et grâce, les 4 musiciens sont à l'aise et nous donne à voir une communion magique. On dirait bien que ces 4 là sont contents de jouer ensemble. On dirait bien qu'ils sont contents d'être avec nous. La chaleur se transforme en frissons.

Andy Powell pose son jeu comme une pierre angulaire, accompagné de Bob Skeat, bassiste à ses côtés depuis plus de 20 ans. Il laisse humblement une place de choix à chacun des musiciens qui l'accompagne et on peut le remercier d'avoir su offrir tout ce qu'il a emmagasiné en 50 ans à ces deux petits nouveaux, l'un arrivé en 2007, l'autre en 2017. Ces deux là ne sont pas non plus des perdreaux de l'année !

Joe Cabtree tout d'abord, tout en discrétion derrière ses fûts, n'en est pas moins un terrible manieur de baguette. Ça virevolte grave à la rythmique, avec un Bob Skeat (arrivé en 1997 si je ne m'abuse et qui apporte la touche vocale complémentaire indispensable à Andy Powell), dont vous trouverez le pedigree sur le net très facilement et qui fait courir ses doigts sur les cordes plus vite que son ombre. Le duo rythmique est efficace et joyeux, à la fois soutien et personnalité à part entière dans le combo. Joe a joué avec le David Cross Band (King Crimson) et Pendragon, entre autres. Il rejoint Wishbone Ash en 2007.

Mark Abrahams, quant à lui, « a la musique de Wishbone Ash enracinée dans son âme ainsi que dans ses doigts » (c'est ce que dit le site du groupe, et cette phrase ne ment pas). Il a joué avec Ron Thal (GNR) et Graham Oliver (membre fondateur de Saxon) et il sévit aussi dans un groupe local appelé Coyote. Le duo Andy Powell / Mark Abrahams fonctionne du tonnerre ! Certains savent très bien que les nouveaux membres, dans un groupe, donne toujours un coup de fouet salutaire à la scène, et dans ce cas, Mark Abrahams, un sourire collé aux lèvres, électron libre qui papillonne, est le feu follet qui allume la flamme, doté d'une guitare qu'il fait gémir, crier, bondir, susurrer avec un son profond à vous arracher les tripes. Quoiqu'il en soit, Wishbone Ash s'est trouvé là un brillant guitariste qui jongle avec la gémellité à merveille et qui envoie des solos à vous faire pleurer.


(Le concert ci-dessus n'est pas celui de Carpentras, bien sûr, mais ça donne une idée.)

Le concert se termine par un Phoenix extraordinaire. Comment le décrire ? Un de mes morceaux préférés. Il renaît de ses cendres (ah ah trop facile, mais pas tout à fait exact puisque ce morceau ne s'est jamais réduit en cendres) dans une espèce de modernité extravagante et subtile, puissante. Blowin' Free et Persephone, en rappel, font enfin se lever la salle, comme une invitation à se revoir avec de la magie dans les yeux. C'est quand un concert est fini qu'on se rend compte que ceux qui étaient là, étaient vraiment là pour ça. Certains s'en vont, d'autres errent pour rester encore un peu ensemble. Les liens qui se nouent, les verres pris avec des inconnus, les rencontres qui se faufilent et se gravent. Et puis l'après, les photos et les vidéos qui circulent, pour garder une trace. C'est important les traces.

J'aurai voulu que ce concert dure encore, j'aurai voulu F.U.B.B., Handy, Pilgrim et tant d'autres... Parce que je sais que Wishbone Ash ne vient pas assez souvent en France (et on se demande bien pourquoi !). Parce que quand je vais voir un concert aussi transcendant, je ne voudrais jamais qu'il s'arrête. Pourtant, à tous les niveaux, je me sens choyée. J'ai été transportée dans l'univers de Wishbone Ash et je ne m'en remettrai pas de sitôt.


* De la chanson Persephone, album There's the rub, 1974


Merci à Jean-Michel Jacquemier pour ces rares vidéos à Carpentras. (D'autres viendront les compléter bientôt)


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